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L’étonnante ruée des investisseurs sur les dettes d’Etat (Les Échos)

Plus de 8.000 milliards de dollars d’obligations souveraines affichent un rendement sous 0 %. Signe d’un fort appétit des investisseurs pour les actifs refuges.
Les taux des emprunts d’Etat déjouent les pronostics. Attendus en hausse, ils se détendent, ce qui signifie que le prix des obligations souveraines augmentent. Le rendement des Bunds allemands à 10 ans est ainsi passé de 0,57 % il y a trois mois à 0,16 %. Outre-Atlantique, celui des Treasuries de même maturité a perdu 67 points de base en l’espace de deux mois, pour s’établir à 2,58 %.

Plus impressionnant encore, le volume d’emprunts d’Etat affichant un taux négatif a bondi. Il s’approche des 8.400 milliards de dollars, contre 5.700 milliards début octobre. « C’est colossal, analyse Stéphane Déo, stratégiste chez La Banque Postale Asset Management. Pour donner un ordre de grandeur, cela fait 7.350 milliards d’euros, soit 3 fois et demie la dette totale de l’Allemagne, ou plus que la dette cumulée de l’Allemagne, la France et l’Italie réunies. » Ainsi, les investisseurs payent pour prêter au Japon jusqu’à 10 ans. Les taux de la dette allemande sont quant à eux négatifs jusqu’à huit ans. La France elle, se finançait en dessous de 0 % jusqu’à 5 ans en début de semaine.

Une situation étonnante dans un contexte de resserrement des politiques monétaires. Si l’horizon n’est pas très clair en ce qui concerne les futures hausses de taux directeurs, tant du côté de la Réserve fédérale que de la Banque centrale européenne (BCE), les deux institutions ont fortement réduit leurs interventions sur le marché obligataire.

Après avoir progressivement réduit la voilure, la BCE a cessé mi-décembre ses achats nets d’obligations . La Fed a pour sa part entamé fin 2017 la réduction de son bilan , en ne réinvestissant pas l’intégralité des montants provenant des remboursements des titres de son portefeuille arrivant à échéance. « Ce programme a désormais atteint son rythme de croisière à 50 milliards de dollars par mois », rappelle Stéphane Déo. La diminution du soutien des banques centrales, même si elle peut être compensée par un effet stock , aurait dû faire grimper les coûts de financement.

Mais les investisseurs semblent prêts à prendre la relève. Et, depuis quelques jours, ils privilégient les taux longs. Un mouvement particulièrement visible sur les flux des « ETF », les fonds indiciels cotés. « Sur la journée de mercredi, l’ETF d’IShare sur les emprunts américains de plus de 20 ans a collecté plus d’un milliard, témoigne Stéphane Déo. C’est de très loin son record historique, le précèdent était à seulement 777 millions ». L’ETF portant sur les titres de maturité 7-10 ans a collecté 1,7 milliard sur la journée, son troisième plus haut historique.

Retraits monétaires
En revanche, les retraits sont significatifs sur les fonds de dette d’Etat de court terme. « Les investisseurs sont sortis massivement du marché monétaire pour aller prendre des positions sur la partie longue de la courbe, constate Stéphane Déo. Le marché parie maintenant sur une baisse des taux longs, d’ailleurs les positions de ventes à découvert sur les futures 10-ans se sont énormément réduites en fin d’année dernière. » Si l’horizon économique ne s’éclaircit pas, notamment sur le front de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, le statut de valeur refuge des obligations d’Etat devrait jouer pleinement en leur faveur.

Guillaume Benoit

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